Debussy - Stéphanie d'Oustrac / Philippe Jordan
Ce samedi 14 octobre à la Maison de la Radio, Philippe Jordan a dirigé l'Orchestre national de France qui a été accompagné de la chanteuse lyrique Stéphanie d'Oustrac, pour le Poème de l'amour et de la mer de Chausson. Ce soir là, l'orchestre nous a également interprété des œuvres de Debussy, Mendelssohn et Britten.
Le chef d'orchestre de renommée internationale, Philippe Jordan, revient un an après une rencontre incantatoire avec l'Orchestre national de France. Au programme de samedi soir étaient présentés, le langoureux Prélude à l'Après-Midi d'un faune de Debussy, le Poème de l'amour et de la mer accompagné de Stéphanie d'Oustrac, Mer calme et heureux voyage de Mendelssohn et finalement les Quatre interludes marins de Britten.
Inspiré du poème de Mallarmé "L'Après-midi d'un faune", Debussy composa de 1892 à 1894 le "Prélude à l'Après-midi d'un faune" qui a pour sous-titre "Eglogue pour l'orchestre d'après Stéphane Mallarmé".
" Tâche donc, instrument des fuites, ô maligne / Syrinx, de refleurir aux lacs où tu m'attends ! "
Stéphane Mallarmé, L'Après-midi d'un faune
Le Prélude à l'Après-Midi de Debussy est entré dans l'histoire de la musique comme une œuvre de référence. Ce prélude de 10 minutes est une sensible symphonie rêveuse, assez éloignée du poème dont il est inspiré. A la suite du Prélude à l'Après-midi qui était le premier succès du compositeur, le public, sensible à l'innovation musicale, réclame un bis. En effet, beaucoup ont caractérisé ce prélude de "mélodie libérée". Cette "mélodie libérée" inaugure une ère nouvelle notamment grâce à son chromatisme et son indépendance rythmique.
A la frontière du lied et de la sonate, le Prélude à l'Après-midi est composée de trois parties unies de façon homogènes. Ce sont les mythologiques flûte et harpe qui dominent cet œuvre.
En effet, la flûte ouvre l'œuvre en chantant le thème du faune. Le hautbois, cor et la clarinette accompagne le retour de la mélodie. Le violon solo reprend le thème initial, subtilement accompagné de la harpe et du quatuor (flûte, hautbois, cor, clarinette). Enfin, le morceau s'achève avec le cor qui reprend le thème initial qui se meurt lentement et qui finit par ne jouer que quatre notes, restées en suspens.
Voici un extrait de l'ouverture du morceau par la flûte chantant le thème du faune :
La chanteuse lyrique Stéphanie d'Oustrac a ce soir accompagné le Poème de l'amour et de la mer d'Ernst Chausson. Cette œuvre créée entre 1882 et 1890 et révisé en 1893 (Chausson mit de côté ce morceau pour travailler sur son opéra Le Roi Arthus), a pour fil conducteur l'univers maritime. Le "Temps des lilas" publié en 1886 et séparément du morceau, est devenu l'extrait le plus célèbre du Poème. La cantate (poème chanté) reprend six poèmes de Maurice Bochor, ami du compositeur, dont il avait aussi mis en musique d'autres poèmes.
Dans la première partie, "La Fleur des eaux", l'introduction orchestrale se fait subtile pour laisser place à la soliste. La soliste s'épanche avec lyrisme : "L'air est plein d'une odeur exquise de lilas" ; "Faites moi voir ma bien-aimée !".
Intensément lyrique, cet extrait olympien a acquis une notoriété largement méritée !!!
La seconde partie, "La Mort de l'amour", est paradoxalement attaquée par un chant joyeux ("Bientôt l'île bleue et joyeuse") coupé par une pause méditative. A cette suspension, s'ensuit un chant nostalgique ("Le vent roulait des feuilles mortes"), terminé par la mot "oubli". Après une pause d'orchestre alanguie, "Le Temps des lilas" s'exhale ! La mélodie douloureuse et mélancolique est accompagné d'un chant ardent : "notre amour est mort à jamais".
Cet extrait douloureux et pathétique de "La Mort de l'amour" est profondément mélancolique.
Mendelssohn est, avec Berlioz, est l'inventeur d'une nouvelle forme musicale : "l'ouverture du concert". En effet, il existait jusque là seulement des introductions orchestrale d'opéra ou des suites à caractère lyrique, mais aucun genre n'était à proprement parlé dédié à "l'ouverture du concert". Après la composition de l'ouverture du très célèbre Songe d'une nuit d'été en 1826, Felix Mendelssohn écrit l'ouverture Mer calme et heureux voyage ( du titre original Meeresstille und glückliche Fahrt).
L'ouverture est composé de deux parties : la première partie est en forme d'adagio (à l'aise, modéré) et illustre le calme de la mer, dans des sonorités sombres et estompées. Ensuite, un allegro (rapide, gai) est annoncé par la brise de la flûte solo suivie d'un embrasement orchestral. La mélodie de ce deuxième extrait se fait héroïque. En effet, les fanfares des trompettes et les coups de canons aux timbale la couleur.
Mer calme et heureux voyage était incontestablement mon œuvre favorite de la soirée !!
La suite d'orchestre, Quatre interludes marins, de Britten est tirée des interludes de Peter Grimes. Les titres descriptifs de chacun de ses interludes ("Aube", "Dimanche matin", "Clair de lune" et "Tempête") font référence à des épisodes du livret. En effet, ils constituent dans l'opéra, les introductions des quatre actes.
L"Aube" se lève par des flûtes aériennes, ponctuées par des clarinettes, altos, harpe et trombones.
Les cloches à l'orchestre annonce le "Dimanche matin". Ce "Dimanche matin" est une foule de bois virevoltants. C'est une allégresse commune à tout l'orchestre.
Nous revenons ensuite à un calme presque mélancolique. Sous le "Clair de Lune", ce sont des cuivres aux éclats estompés qui introduisent la troisième partie. La tension monte peu à peu pour finalement retomber dans le flou du début de l'œuvre.
La "Tempête" éclate sur les renforts des timbales. En effet, le tourbillon, la "Tempête" est vif, brutal et massif. Parmi l'expression des sentiments exacerbés, la lumière s'entrevoit, portée par une harpe, avant une bourrasque définitive.
Dans ces interludes d'une particulière intensité et expressivité, aucune place n'est laissée à l'ennui !