L’Affaire Makropoulos
En ce début de saison 23/24, l'Opéra de Paris présente L'Affaire Makropoulos de Leoš Janáček, un opéra tchèque, avec modernité, et accompagné d'une partition particulièrement expressive.
A 71 ans, Leoš Janáček livre à travers L'Affaire Makropoulos, et avec l'aide du metteur en scène Krzysztof Warlikowski qui convoque la mythologie de Hollywood, une réflexion sur la temporalité, la vieillesse et l'immortalité.
Elina Makropoulos est une célèbre diva âgée de 337 ans mais qui semble pourtant en avoir tout juste 30. Son secret ? Ce n'est pas une miraculeuse crème anti-rides, mais un élixir de longévité qui, pris lors de ses seize ans, lui a permis de conserver une jeunesse (presque) éternelle.
Une course contre la montre commence lorsque les effets de la potion commencent à s'estomper...
Depuis un siècle, les familles Gregor et Prus se disputent l'héritage du baron Josef, qui n'a pas laissé de testament. Elina Makropoulos, la célèbre cantatrice, affirme que l'héritage revient à Albert Gregor, l'arrière petit fils du défunt. Ce dernier a a eu une liaison avec la cantatrice Ellian MacGregor. La diva Elina Makropoulos dévoile, sans aucune justification ,l'existence d'un testament écrit dans la maison de Prus, l'adversaire de Gregor. Tout le monde se demande comment Elina connaît les détails de cette affaire et pourquoi elle tient autant à récupèrera un vieux document en grec dissimulé dans le testament de Prus. Oppressée par tous, elle finit par révéler son secret : elle s'appelle Elina Makropoulos, vit depuis 337 ans grâce à un élixir de longévité, et se cache depuis des siècles derrière les initiales "E.M". Finalement revenue à Prague pour récupérer le testament de Prus, contenant la recette de l'élixir de vie, Elina Makropoulos réalise que l'immortalité ôte toute valeur à la vie. La recette est brûlée en même temps que Elina Makropoulos s'éteint doucement.
Cet opéra tchèque a mis à l'épreuve les chanteurs car ils ont dû apprendre un texte de deux heures dans une langue qui leur est, pour la plupart, totalement inconnue. De plus, la partition de Leoš Janáček ne leur a pas simplifié la tâche puisque cet opéra de deux heures se rapproche nettement du genre théâtral : le chant est exclusivement composé de narration, dépourvu de tout air.
Au croisement entre la science-fiction et le questionnement philosophique, l'Affaire Makropoulos nous livre une réflexion sur l'immortalité. En effet, le chant ne se veut pas séducteur, mais au contraire proche du théâtre, parlé, très rythmé et peu mélodique. Les instants véritablement lyriques sont ceux où Elina Makropoulos évoque ses sentiments d'amour profonds.
Cette thématique de l'immortalité est accentuée par la mise en scène de Krzysztof Warlikowski. Il fait appel à la mythologie hollywoodienne en convoquant Marylin Monroe, King Kong ou encore Gloria Swanson. En effet, une fulgurante représentation de King Kong domine la scène : comme l'élixir de vie, le monstre protège la diva de ses plus grands ennemis, de la vieillesse. Des images d'archives accompagnées d'une vive partition sont projetées, nous sommes alors plus intensément plongés dans cet univers à la frontière de la science-fiction.
En dépit du tragique destin de l'héroïne, l'Affaire Makorpoulos ne nous captive pas entièrement, ou du moins pas intensément. C'est notamment le chant peu musical, le manque de légèreté et de vivacité qui nous empêche d'être en totale immersion dans l'œuvre.
Néanmoins, la fulgurante mise en scène et l'intense partition séduisent et valent à cet opéra hybride de revenir à l'affiche, trois ans après sa dernière représentation.
