Les Puritains
Empreint d'un lyrisme ardent, Les Puritains, dernier opéra de Bellini, a fait sensation à l'Opéra Bastille! L'ensemble de la distribution était formidable, et la soprano américaine Lisette Oropesa était tout particulièrement exceptionnelle dans le rôle d'Elvira. Alors que Elvira rêve d'amour, dehors la guerre fait rage.
Le dernier opéra de Bellini nous replonge dans l'Angleterre du XVIIème siècle. Juste après la décapitation de Charles Ier, deux camps s'affrontent: les puritains, républicains et partisans de Cromwell, et les royalistes, défenseurs des Stuart.* C'est au sein de cette Angleterre que les puritains se réjouissent du mariage d'Elvira, issue d'une famille républicaine, et du royaliste Arturo, qui dépasse les clivages politiques. Cependant, Arturo découvre que la reine Enrichetta a été faite prisonnière et sera sûrement exécutée elle aussi. Dicté par le sens du devoir, il s'enfuit avec la reine devenue veuve et abandonne Elvira dans le désarroi. Pensant qu'il l'a trompée pour une autre femme, la très jeune Elvira sombre dans l'aliénation. S'enchaînent alors de multiples rebondissements. Elvira qui avait alors sombré dans la folie retrouve la raison lorsque Arturo revient. L'opéra se termine brièvement sur leur union, un happy ending qui a été très critiqué.
Cependant, l'essentiel de cet opéra réside dans le portrait de femme que dresse Bellini qui est probablement l'un des plus beaux: Elvira est une femme en quête de liberté dans un monde guerrier et largement dominé par les hommes. Alors que Elvira rêve d'amour, dehors la guerre fait rage.
Lisette Oropesa et la mise en scène épurée de Laurent Polly à l'opéra Bastille illustrent parfaitement l'univers de l'opéra I Puritani. L'espace mental d'Elvira est une cage, un château-prison aux arêtes tranchantes. Il s'agit encore une fois d'un monde masculin et belliqueux ou elle tente en vain de vivre ses désirs. La soprano Lisette Oropesa fait nous entrer dans la cage mentale, un gouffre de souffrance très peu lucide car la folie lui permet des joies éphémères. Elle rejette alors l'exaltation de la patrie et de la guerre, et devient misophone (trouble psychiatrique: aversion envers des sons spécifiques) face à toute composition militaire.
*Pendant la guerre civile anglaise (1642-1951) les puritains et républicains, qui soutenaient Oliver Cromwell et guidés par des convictions religieuses strictes, soutenaient l'abolition de la monarchie et un pouvoir confié à un parlement représentant le peuple. Alors que les royalistes, partisans de la dynastie Stuart, considéraient le roi comme le représentant divin de Dieu sur Terre et soutenaient la monarchie absolue. Finalement, le roi Charles Ier est exécuté en 1649. C'est la première fois qu'un roi est exécuté en Angleterre. Ainsi, l'Angleterre devient une république assez autoritaire sous la direction de Cromwell, alors devenu Lord Protecteur, mais un dizaine d'années plus tard, la monarchie est rétablie (1660) avec Charles II.